Jusqu’au début des années 1900, l’idée d’avoir un verre de vin d’Anjou n’était qu’un rêve. En ce moment, toutes les grandes régions de la France productrices de vin avaient un verre qui portait leur nom. Il s’agit notamment du vin de Boulogne, du Champagne, du vin de Bordeaux et du vin d’Alsace. Il était donc inconcevable que le vin blanc d’Anjou si populaire et l’un des plus appréciés n’ait pas son propre verre avec lequel on pouvait le boire. Cette anomalie devait vite être réglée. Le premier à avoir l’idée est André Gilles-Deperrière, qui était propriétaire de vignoble à la Possonnière. Un concours est alors lancé en avril 1914, mais à cause la guerre, finalement le projet ne se concrétisera qu’en 1920.
Le lancement du concours
Le 2 avril 1914, l’Union des Viticulteurs de Maine-et-Loire prend la décision de la création du verre à vin d’Anjou lors d’une réunion à son siège situé dans la rue Saint-Blaise au Grand Cercle. Un concours est alors lancé avec trois prix mis en jeu. Les critères imposés sont : la forme du verre qui doit être originale et élégante, il ne doit pas être trop fragile et sa capacité doit être d’environ une douzaine de centilitres en plus, il doit être facile à laver. Il doit surtout valoriser les qualités du vin d’Anjou. Initialement, il était prévu que l’issue de la compétition soit connue avant novembre 1914. En effet, le verre devrait servir à la dégustation du vin d’Anjou lors du banquet des Grands Hôteliers de Paris. Lors de ce banquet, plusieurs vins de France devraient être dégustés, le vin d’Anjou en faisait partie.
Contre toute espérance, le concours est un véritable succès, car, il y a eu plus de trois cents projets qui ont été présentés. Les concurrents sont venus de toutes les régions de France. Les professeurs dans plusieurs écoles de beaux-arts l’ont même proposé comme sujet d’étude à leurs élèves. Parmi les concurrents on peut noter certains personnages comme le conservateur du musée de Pincé, l’artiste et poète Marc Leclerc pour ne citer que ceux-là. Finalement, c’est Louis Mignot qui aborde et développe le mieux la philosophie du verre d’Anjou. Mais avant cela, parlons du processus ayant conduit au choix du gagnant du premier prix.
Le processus de sélection du modèle de verre
Pour l’étude des différents projets, un jury composé de plusieurs personnalités politique et viticole a été composé. Après de nombreuses séances d’élimination, seulement 14 projets restaient en course. Le 30 mai 1914 suite à de longues heures de discussions, et un vote qui fut secret, on ouvre les enveloppes cachetées qui contiennent les noms des trois projets sélectionnés. À la surprise générale, le premier prix est accordé à un propriétaire récoltant qui habite dans les « Quarts de chaume » l’un des meilleurs crus d’Anjou, il est nommé Louis Mignot. Le docteur Maisonneuve écrit plus tard « le vin avait inspiré le verre ». Le second prix est accordé au spécialiste des arts de la table Édouard Joubert. Le sculpteur E. Jugnet remporte le troisième prix.
Les difficultés de fabrication
Après la sélection du modèle, il faut maintenant procéder à la fabrication. On procède à la nomination d’un comité de patronage du verre à vin d’Anjou. Dans le comité il y a avait les députés du département, le syndicat d’initiative de l’Anjou, le sénateur Bodinier, le directeur de la station œnologique de Maine-et-Loire, les syndicats viticoles, le président de la Société industrielle, plusieurs viticulteurs et négociants en vins, les négociants en porcelaines et cristaux Joubert et Rozé, les industriels liquoristes angevins Cointreau et Rayer. Le comité a pour rôle de négocier les conditions de conception du verre et d’assurer sa promotion.
Malheureusement, la guerre a refroidi le processus de fabrication et de promotion du verre à vin d’Anjou. Ce qui a retardé la naissance du précieux verre de 6 ans. Le 9 mars 1919, une commission exécutive est nommée par le comité de patronage afin qu’elle reprenne le projet. On demande aux plus grandes cristalleries et verreries de France des devis pour la fabrication du verre. Malencontreusement, la commission exécutive rencontre des difficultés dans la fabrication du verre. Cette difficulté est exprimée publiquement par le docteur Maisonneuve en janvier 1920 lors de l’ouverture de la 15e foire aux vins d’Anjou. Les épreuves d’essais tentés par Louis Mignot se montrent sans grands succès. En effet, on notait plusieurs défauts comme la fragilité des attaches entre la coupe, la base et la jambe et les bords qui sont trop épais.
La naissance du verre
Finalement, la commission annonce que le verre à vin d’Anjou sera disponible dans les prochaines semaines et que le prix d’achat sera très bas. On pouvait s’en procurer chez Rozé, rue du Mail et Joubert, rue d’Alsace. Effectivement dans les semaines qui suivirent l’annonce le verre est né. Il fut conçu dans le département des Vosges précisément dans les verreries de Lorraine de Portieux. Il y avait 2000 exemplaires immédiatement disponibles et 8000 qui était en voie de fabrication. Le prix, comme promises était à la portée de toutes les bourses. Il coutait 20 francs la douzaine. Malheureusement l’édition de luxe du verre à vin d’Anjou n’a jusqu’à nos jours pas pu être fabriquée par aucune cristallerie. Il était prévu qu’il soit en cristal fin. Son coût de fabrication est très élevé et le retour sur investissement n’est pas garanti, ce qui n’arrange pas les cristalleries. Le verre à vin d’Anjou a dépassé la barre des 100 000 ventes en 1925 et a finalement conquis toutes les tables d’honneur.
Cette même année, on assiste à la création de la bouteille à vin d’Anjou. Elle fut fabriquée dans les verreries mécaniques d’Anjou. En 1970, il y a eu la fabrication du verre à vin d’Anjou « monstre » qui a une capacité de 82 centilitres. Il est réalisé dans une autre verrerie lorraine. Ceci fut une initiative de Jean Rocher, qui est un négociant en arts de table. Ce verre est utilisé lors de l’intronisation du prince Charles d’Angleterre comme Chevalier du Sacavin d’Anjou. Le prince séduit par l’élégance du verre en fit acheter un exemplaire.
Nous avons deux types de verres à vin d’Anjou actuellement : le premier verre est robuste et conçu en demi cristal. Il est utilisé dans les débits de vins et dans les restaurants. Le second verre est en cristal et plus élégant, il est monté sur une colonne à pans coupés et plus hauts. Il rehausse la beauté de toutes les belles tables qui l’invitent.
Les caractéristiques physiques du verre à vin d’Anjou
Il s’agit d’un verre à l’allure noble, mais simple. Sa tige longue porte une coupe ayant un fond à la fois large et plat. Ses parois s’inclinent légèrement en s’élevant de telle sorte que l’orifice est un peu rétréci. Certains sont conçus en demi cristal, d’autres en cristal.
Le verre d’Anjou a une histoire atypique par rapport à celle des autres verres à vin. Il est remarquable par sa longue tige et son fond large et plat. Sa forme est conçue par Louis Mignot, mais les premiers exemplaires mis sur le marché sont fabriqués par Adrien Recouvreur. Il permet aux amateurs de vin de boire du vin d’Anjou avec un verre à vin d’Anjou.